Ghetto Youth New Generation 3

(La scène se déroule 2 semaines après l'épisode précédent)

Le cours n'avait pas commencé. Fanta venait d'entrer dans la classe accompagnée de 6 autres élèves de classes différentes, dont 2 terminales. Une fille et un garçon. Le mec s'appelait Anthony je crois. D'origine portugaise. Un « portos » comme on dit. Le plus populaire des gars de terminale. Parce qu'il s'habillait « bien » et qu'il avait 2 comptes plein sur facebook. Il portait un sweat « Supreme » gris, un jean noir, baissé à tel point qu'on voyait tout son caleçon « pull-in », plusieurs shamballas au poignet droit, et une g schock noir et or sur le poignet gauche, et il portait des air jordan 4. La fille terminale était une des plus populaires du lycée. C'était la sœur jumelle d'Alvin, le copain de Fanta comme je vous ai dit. Pour que vous ayez une image d'elle, c'était Alvin mais … en fille. Brune, peau caramel, yeux clairs, fine. Origines indéfinissables.  Ça me fait mal de l'avouer mais elle était sublime. Elle allait rarement en cours, elle passait sa vie en soirées sur les champs. Même si elle était assez discrète, et très souvent absente, on la remarquait direct, parce qu'elle était habillée classe. Toujours avec des marques de luxe. Prada, Chloé, Gucci. Elle avait plusieurs pairs de Louboutins et d'Yves Saint Laurent. C'est pas anodin pour une fille de 17 ans. Ça faisait jaser. Y'a certaines rumeurs bizarres qui couraient, au début les gens pensaient qu'elle était escort ou un truc du genre. Mais en fait ce serait son beau père qui serait fou d'elle. Elle aurait même eu une liaison avec le principal. Un bellâtre d'une quarantaine d'années. Enfin bref. Tout ce petit monde s'agglutinait autour de Fanta pour lui souhaiter la bienvenue. « Putain tu dates ! », « T'as fait quoi pendant tes 2 semaines d'exclusion ? N'empêche c'est dar, 2 semaines tranquille à pas aller en cours, sans absences, tu te mets bien, la vie ! », « Raaaye, ma copine tu m'as manqué ! ». Et hautaine, elle répondait  « Vous inquiétez même pas pour ça, je me suis bien bien ! ». Le prof de maths, un vieux connard d'1m60 qui puait l'asperge, entra dans la classe, rouspétant contre le petit groupe qui bloquait le passage. Après  avoir lancé quelques invectives sympathiques « Il est pas encore mort cui' là ? », le petit groupe, sauf Fanta, s'en alla de ma classe sur des éclats de rire.

Fanta, féline, vint s'installer comme à son habitude à la place à côté de moi. « Wesh. Je t'ai manqué ? » me demanda t-elle en jetant son sac sur la table. C'était un de ces sac qu'on pouvait acheter dans ces boutiques chinoises à Belleville. Une besace en faux cuir noir clouté. Elle sentait la noix de coco et le beurre de karité. Son odeur m'avait manqué. Elle portait un slim noir, des bottes vernies motif panthère, un perfecto noir en faux cuir, de belleville aussi certainement, un tee shirt moulant Bob l'éponge, elle portait des fausses Ray Ban rouges, et comme à son habitude portait d'innombrables bracelets. Je trouvais sa façon de s'habiller assez vulgaire et de mauvais goût. Mais bizarrement je la trouvais toujours aussi belle.

–                    Pourquoi tu réponds pas ? Donc, je t'ai pas manqué c'est ça ? Me redemanda t-elle en passant du gloss sur sa jolie bouche.

–                    Ah si si tu m'as manqué ! Dis-je en riant jaune.

–                    Ah ouais, je t'ai manqué comment ?

Je sentais qu'elle voulait m'embrouiller. Je commençais à la connaître.

–                    Bah ta présence m'a manqué c'est tout.

–                    Ouais ça j'ai compris, mais comment ça ?

Je sentis le sang monter jusqu'à mes joues. Je craignais qu'elle m'humilie devant toute la classe, comme elle aimait si bien le faire. Je ne répondis pas.

–                    Non mais genre je t'ai manqué crari tu pleurais toutes les nuits parce que j'étais pas là ou je t'ai manqué crari tu te branlais sur moi en regardant mes photos facebook ?

Choqué par la question, je restais bouche bée. Scara Et Zaza qui venaient de rentrer dans la classe entendirent sa question et éclatèrent de rire.

–                    T'es une ouf ! Wesh pourquoi tu l'embrouilles comme ça, il t'a rien fait ! Dit en gloussant Zaza.

–                    Le boug il dit je lui ai manqué, moi je veux savoir ce que ça veut dire exactement.

–                    J'avoue, c'est normal. Dit Scara, amusée par la situation.

Ça faisait longtemps qu'elles s'étaient pas retrouvées toutes les 3 au lycée. Je savais que pour fêter le retour de Fanta, elles allaient humilier un élève. Mais grâce à mon statut de fournisseur de DM, je pensais que j'allais être épargné... Et merde.

–                    Réponds wesh ! M'ordonna Fanta l'air énervé.

Je sentais le sang continuer de monter dans mes joues, et ma bouche entrouverte cherchant désespérément la phrase adéquate à dire pour éviter toute ambiguïté et donc tout risque de conflit entre nous deux. Je devais avoir l'air pathétique...

–                    Miskine.. Dit Zaza en éclatant de rire, faussement compatissante. Wesh arrêtez, il va pleurer !

Fanta éclata de rire à son tour.

–                    Ouais j'avoue, j'arrête. Dit-elle en souriant.

–                    Oui il serait temps, j'aimerais bien commencer le cours moi. Dit le prof. Ouvrez vos livres page 122.

Fanta, bizarrement, ne répondit rien. Elle tchippa simplement le prof et griffonna quelque chose sur une page de son agenda, l'arracha, la mit en boule puis me le tendit discrètement. C'est ce qu'on fait en général quand on veut dire quelque chose d'important et de secret à un élève. J'espère que ce n'était pas une menace.. J'ouvris la boule de papier. Fanta avait une belle écriture ronde d'adolescente, et le point de ces « i » était un rond, l'orthographe cependant, laissait à désirer. « Désolé si tu m'as trouvé méchante. Je voulais pas te provoqué, c'était juste pour te takiner despi. En tt k, moi tu m'a manqué. ». Abasourdi, je lus encore cinq fois le message. Se moquait-elle de moi ?

–                    Bah tu réponds 'ap ? Me demanda t-elle à voix basse.

Je ne comprenais pas cette soudaine gentillesse. Mais je déchirai un papier de mon agenda aussi et répondis « Sois pas désolée, c'est pas grave. Je sais que t'as pas fait ça pour me faire de la peine. Merci du message, et tu m'as manqué aussi ^^. » En lui tendant le message, j'eus peur que l'ajout du smiley « ^^ » en fin de message fasse trop boloss et qu'elle se moque de moi, mais c'était trop tard.

Elle lut le message, ne dit rien et sourit. Bizarrement, je me sentis super bien.

Le reste du cours elle joua à un jeu sur son blackberry. Quand je ne la regardais pas, je suivais le cours assidûment. Je comptais passer en S. La sonnerie sonna. 12H15.

–                    Tu vas manger où ce midi ? Me demanda t-elle.

–                    Heu.. A la cantine pourquoi ?

–                    Ah ouais, avec qui ?

–                    Tout seul...

–                    Tu peux venir manger avec nous s'tu veux. Dit-elle en désignant Scara et Zaza du menton.

Ces dernières eurent l'air outrées.

–                    T'es sérieuse ?! Demandèrent t-elle en cœur.

–                    Ouais, depuis qu'il est ici, il nous passe ces devoirs maison sans protester, il fait ce qu'on lui dit mais on a jamais vraiment parlé. C'est nul un peu.

–                    Depuis quand tu veux faire connaissance avec des boloss ? T'as gé-chan depuis ton exclusion toi ! Dit Zaza.

–                    Wesh, c'est juste pour midi.

Après un temps de silence, Scara exaspérée dit. : « 'Azi, on s'en fout qu'il mange ou pas avec nous en scred, on perd du temps là. »

J'avais leur accord. Ce qui est amusant c'est qu'elles ne m'ont même pas demandé si moi j'avais envie de manger avec elles. Honnêtement je préférais manger seul qu'avec des filles qui risquaient de m'humilier devant tout le lycée à tout moment. D'ailleurs je préférais manger seul qu'avec seulement des filles. C'est vrai, j'étais déjà situé tout en bas de la hiérarchie sociale adolescente du lycée, et donc ma réputation était au niveau 0 mais ça aggraverait quand même mon cas.

 

Arrivés à la cantine, Fanta et ses amies me firent passer avec elles devant tout le monde. Personne ne bronchait. Un terminale, un grand garçon aux cheveux bouclés châtains, opposa une résistance quand Zaza lui fit un coup d'épaule pour passer devant lui. « Hey la niaffou, tu vas te calmer ? » lui dit-il hilare. Énorme erreur. Plusieurs élèves rirent. « Niaffou » est l'insulte suprême pour une fille noire. Ce terme désignait une fille noire vulgaire, stupide, exubérante, bruyante stupide et violente. Mais dans le cas de Zaza, ce n'était pas une insulte. C'était un constat. Zaza resta muette et figée, regardant fixement dans les yeux le terminal. Ayant compris ce qui l'attendait, le sourire de celui-ci se décomposa. Les rires des élèves s'évaporèrent. Tout le monde retint son souffle. Ça faisait penser à ces moments d'accalmie plein de tensions qu'on ressent avant les gros orages. D'un coup brusque, Zaza étrangla le terminale pendant plusieurs secondes. Brusque changement d'atmosphère. Il suffoquait. Des élèves prirent peur. « Putain mais faîtes quelque chose ! » dit une fille apeurée. « Oh mon dieu ! Mais elle est folle ! ». Mais Fanta et Scara étaient mortes de rire. Les gens n'osaient rien faire. Lorsque le visage du garçon commença à devenir bleu Zaza le lâcha et lui asséna une droite sur la tempe. « Apprends à mieux parler aux gens, vieux babtou. ». Le garçon, les yeux embués de larmes et suffoquant, s'assit par terre sous le regards choqués des autres élèves.

Super, ce midi à la cantine commençait sur les chapeaux de roue...

Après avoir pris nos plateaux ( haricots verts accompagné d'un steak hâché d'une couleur douteuse, salade verte, orange et gâteau au chocolat, seul truc mangeable) nous nous dirigeâmes à une table de 6 au milieu de la cantine. Scara, Fanta et Zaza se trouvait devant moi. Nous commencions à manger lorsqu'Anthony, le « portos » vint s'asseoir à côté de moi. Ce qui me stressa beaucoup.

–                    Wesh, c'est quoi les bails ?! Dit-il narquois en me regardant comme si j'étais un cheveu sur une soupe.

–                    Moi même je sais pas ! Dit Zaza exaspérée, c'est Fanta qui l'a invité à manger avec nous.

Anthony éclata de rire.

–                    T'as des délires chelous maintenant ! Genre tu sympathises avec les loss  ?

Étant habitué à ce genre de remarques, je ne dis rien. Un mot de ma part et Anthony m'aurait « terminé » devant toute la cantine. Non merci. Je préfère encore me faire descendre en petit comité.

–                    C'est pas un loss. Grâce à lui j'ai 12 de moyenne en français et en histoire. Dit Fanta.

–                    Crari une blédarde comme toi à la moyenne en français ? Dit Anthony taquin.

–                    C'est ta mère la bledarde ouais ! Lui dit Fanta en riant.

–                    En tout cas il est chelou. Depuis tout à l'heure on parle de lui, il dit rien.

Je ne répondis pas et continuait de manger mes haricots, prenant des petites portions afin de ne pas manger comme un « porc » et donc d'éviter toute remarque blessante sur ma façon de manger. Mais malheureusement, ma précaution ne suffit pas.

–                    Putain le boug il mange un haricot par un haricot, c'est quoi ça ? C'est un depsoss ou quoi ? Dit Anthony.

Le petit groupe rit. (« Depsoss » signifie homosexuel. En gros je mangeais pas comme un « vrai mec ».)

–                    Ou alors il fait un régime, reprit-il, mais nan mon gars t'as déconné, c'est quoi cette petite bouée là ? S'esclaffa t-il en me pinçant le ventre.

Le petit groupe éclata de rire.

–                    Miskine, laisse le wesh, dit Fanta.

Anthony sourit, et me prit mon gâteau au chocolat. « T'as pas besoin de ça. Si je le prends c'est pour ton bien, gradouble ». Et il s'en alla en riant.

Pour ne pas paraître vexé, je continuai de manger mes haricots comme si il ne s'était rien passé. Mais, j'eus vraiment mal. Cet abruti m'avait humilié. Et devant Fanta en plus. Je ne sais pas pourquoi ça me gênait autant. En plus je n'étais pas si gros que ça. J'étais juste mou. Putain. Qui est le crétin qu'a dit que la vie valait la peine d'être vécue ?

–                    Vas-y raconte ce que t'as fait de tes 2 semaines d'exclusion alors ? Et le gros porc au fait, il devient quoi ? Demanda Scara à Fanta.

–                    Ah si tu savais...

–                    Mais dis wesh ! Dit Zaza.

–                    J'ai vu le gros porc plusieurs fois ces 2 dernières semaines.

–                    Vous avez fait quoi ? Il t'a léché les ieps encore ? Demanda Zaza.

–                    Ouais ouais... Dit Fanta d'un air mystérieux en entamant son gâteau au chocolat.

–                    Pourquoi tu fais la secrète ? Vous avez fait des trucs de ouf ou quoi ? Vous avez baisé ensemble ? Demanda Scara.

Fanta s'étrangla avec sa bouchée de chocolat.

–                    Avec un gros porc as kom ? Mais t'es pas bien toi ! Nan nan, on a fait connaissance. En fait ce boug est vraiment trop faible, c'est un délire. J'ai cramé un truc pendant les 2 semaines. Tu le fais bander un peu et le boug fait tout ce que tu veux.

–                    Genre quoi ? Demandèrent en cœur Zaza et Scara.

Fanta frotta son pouce de haut en bas contre index et majeur. « Du flouz, ma gueule » dit-elle avec un large sourire.

 Zaza et Scara eurent l'air hallucinées comme si elles venaient d'apprendre que leur pote avait gagné au loto.

–                    Fais croquer, nan ? Demanda Zaza.

–                    T'inquiète, t'inquiète, d'abord je lui retourne bien le cerveau ensuite je vous le prêterai.

Je ne sais pas de quoi elles parlaient, mais tout ce que je savais, c'est que Fanta faisait bander un mec, sûrement un vieux daron, et ça, ça m'énervait.

En sortant de la cantine, subrepticement, Fanta glissa le gâteau en chocolat entamé dans ma main. « T'façon, j'ai plus faim. » murmura t-elle. Et elle partit avec ses comparses.

Fanta venait de me donner son gâteau. Qui plus est, entamé. Ça signifiait que sur le gâteau se trouvait son ADN, sa salive. Cette idée me réjouit. Je mis le gâteau dans du papier et le mis dans la poche de mon manteau. Le reste de la journée, je ne vis pas Fanta et ses potes. Elles séchaient souvent les après midi.

J'ai passé toute la journée à penser à elle.

En rentrant chez moi, je m'enfermai dans ma chambre, et posa le divin gâteau sur mon bureau. J'avais une routine que je suivais toujours, sans exception, dés que je rentrai, je faisais mes devoirs puis jouais à World of Warcraft. La seule chose intéressante de ma vie... Mais là, je n'eus envie que d'une chose. Poser mes lèvres sur la partie entamée du gâteau de Fanta. C'était comme si je l'embrassais. Je n'avais jamais embrassé de filles. Même pas un petit smack. Je m'y intéressais pas vraiment, et elles s'intéressaient pas non plus à moi. Je n'avais rien d'un Alvin. Moi j'étais le loss lambda. Plutôt grand, mou, blanc pâle, visage commun, un peu d'acné, des lunettes, châtain foncé, geek, aucun style vestimentaire, ma vie se résumait à l'école, et à World of Warcraft... De toute façon, je me faisais pas d'illusions. Je savais que j'allais finir puceau. Ça me dérangeait pas, je sais que ma vie était un échec et que personne ne m'aimerait jamais. Mais j'étais troublé, pourquoi Fanta était aussi sympa avec moi ? Peut-être qu'elle en avait marre d'un connard comme Alvin, et qu'elle voulait essayer d'être avec un garçon plus calme, plus doux, plus sérieux... Non non, je me faisais des idées. Après avoir regardé longuement le gâteau, je le pris précautionneusement et le dirigeai vers ma bouche. Je devais avoir l'air débile. Peu importe. Je l'approchais doucement de ma bouche et l'embrassai. Je dois vous paraître ridicule mais j'ai senti des frissons parcourir mon échine à ce moment là. Il restait du gloss sur la partie entamée. Je l'embrassai encore. Et passai le bout de ma langue sur les parties glossées. Prenant conscience du pathétique de la situation, je rougis et le mangeai. Putain j'étais en train de fantasmer sur un gâteau en chocolat. Quel crétin. Mais … Et si elle s'intéressait vraiment à moi ?