Chronique d'Eden : shopping sur les Champs 2

Un taxi s’arrête devant moi. Une vitre descend. De beaux yeux verts et maquillés m'observent avec dédain. C'est elle. Je ne sais pas si je respire, je ne sais pas de quoi j'ai l'air, je n'ai conscience de rien du tout, je suis paralysé. D'abord j'aperçois une bottine noire cloutée à talon fin de 12 centimètres dont la semelle est rouge, sortir de la voiture. Chaussure superbe, au demeurant. Puis tout un corps. Oui c'est bien elle. Elle reste, peut être une une seconde, debout devant la voiture, à , il me semble, m'évaluer du regard. Puis elle se retourne rapidement, ses longs cheveux bruns dansant sur ses épaules et son dos, et adresse un sourire ravissant au taxi. « Merci » lui dit-elle chaleureusement en lui faisant un signe de la main. Elle est à 10 mètres de moi, mais j'entends distinctement le charmant bruit de ses nombreux bracelets qui s'entrechoquent. Puis elle s'avance vers moi, sure d'elle, la démarche princière. Royale. Se place devant moi, et me toise. Mon cœur s’arrête de battre. J'essaie de trouver quelque chose à dire, mais rien ne me vient. Vite, parle, je me dis. J'ouvre la bouche, mais rien ne sort. Pourquoi n'y ai je pas pensé avant ? Elle doit me trouver pathétique.

–                    Pathétique. Dit-elle justement de sa jeune voix.

Ce qui m'humilia. Et m'excita.

–                    Bonjour mademoiselle.

–                    Ouais.

Elle continue de me jauger. Je me sens comme un moins que rien devant elle. Ses grands yeux en amande me scrutent. De haut en bas. Le visage, les vêtements, les chaussures. Tout. Elle fait tourner une de ses longues mèches brune autour de son index bagué. Une bague articulée en or blanc. Je suis captivé par ce geste. La délicatesse avec laquelle elle joue avec ses cheveux contrastent avec la dureté de son regard. Je ne veux même pas savoir ce qu'elle pense de moi. Brusquement, elle retire son doigt de sa mèche, devenue ondulée.

–                    Franchement, t'aurais pu faire un effort. Tu me fais honte. Dit-elle avec mépris.

–                    Excusez moi mademoiselle, en plus je..

–                    Tu parles quand je t'interroge. Je t'ai posé une question là ?

–                    Non, mademoiselle.

–                    Alors, la ferme.

–                    Bien, maîtresse.

–                    Tu vas marcher 10 mètres derrière moi.

–                    Bien, maîtresse.

–                    Je suis sure que c'est pas la première fois qu'on te le demande, pas vrai ? Dit-elle en souriant.

J'aperçois ses dents. Magnifiques. Ses canines sont pointues comme celles d'un félin.

–                    Oui, maîtresse.

–                    C'est quoi mon budget ?

–                    Je ne sais pas, je ..

Un vent vanillé souffle brusquement sur mon visage. Je sens une vive douleur dans ma joue. Je vois trouble quelques secondes. La douleur aura eu au moins pour mérite de me réchauffer le visage. J'ai mal. Surtout au niveau de la tempe. Je viens de comprendre qu'elle m'a giflé. Avec sa main droite, dont tous les doigts sauf l'auriculaire sont bagués. Je crois que personne ne nous a vu. J'ai quand même honte. Mais je suis excité. J'ai honte d’être excité.

–                    Y'a pas de « Je sais pas ». Quand je te pose une question, tu réponds par une réponse claire et concise. C'est oui ou non. Le reste j'en ai rien à foutre. Dit-elle furieusement.

Elle est encore plus belle quand elle est furieuse.

–                    Donc ?

–                    1500e, princesse.

–                    Tu te fous de moi ? Je vais faire quoi avec 1500e ? C'est le prix de mes louboutins. Dit-elle en m'écrasant le pied avec, c'est même pas le prix de mon sac Saint Laurent !

Son sac était en cuir rouge vif, orné d'une myriade de chaînes en or blanc qu'elle avait ajouté elle même.

–                    Pardonnez moi, mai..
–                    J'en ai rien ai à foutre que tu sois désolé, tu dois m'acheter tout ce que je veux, c'est tout. Si je te demande un sac, tu me l'achètes sans discuter. Mais pour qui tu te prends ?
–                    Pard...
–                    Tu te rends compte de ce que tu me fais là ? 1500E ?! Tu te rends compte de l'humiliation que tu me fais subir ? 1500E mais c'est une blague j'espère ? Je suis pas une des petites michtos de banlieue sans avenir que t'avais l'habitude de voir. Tu comprends ça ou pas ?
–                    Oui c'est sur, vous n'avez rien à voir, vous le savez, que je le sais et..
–                    Bah putain ! C'est pas l'impression que j'ai. 1500E ? Mais c'est grave ! Tu me prends pour  quoi en fait ? Une pute d'escort ?!
–                    Pas du tout mademoiselle, je suis désolé vraiment, je ne voulais pas vous insulter. C'est vrai que 1500e est une somme misérable. Vous méritez tout l'or du monde, pardonnez moi, je v...
–                    Tu m'aimes non ?
–                    Oui bien sur, mademoiselle.
–                    Je suis ta princesse ?
–                    Vous êtes ma princesse.
–                    Alors si tu m'aimes, tu dois m'acheter tout ce que je veux. Dit elle en jouant avec ses cheveux.
Une véritable peste au visage d'ange.
–                    Tout ce que vous voulez, mademoiselle.
–                    Bien. Dit elle en souriant. Donc, mon budget ?
–                    Tout ce que vous voulez.
–                    Tu vois quand tu veux.
Elle m'adresse un large sourire puis contemple son reflet sur la vitrine du magasin Dior situé derrière moi.
Elle passe sa main dans ses cheveux, joue avec sa mèche, se dandine pour constater à quel point son petit slim noir ultra moulant déchiré au genoux lui sied. Joue avec ses nombreux bracelets en or blanc, les faisant cliqueter à chaque geste. Chacun de ses mouvements m'envoie une délicieuse bouffée d'air vanillé. Elle sort délicatement de son sac Saint Laurent, une trousse de maquillage rose bonbon Chanel en cuir brillant, et en extrait un rouge à lèvres rose/rouge Saint Laurent.
–                    Tiens ça, elle dit en me tendant son sac à main, sans même me regarder.
Avec empressement, je lui prends son sac. Elle retire délicatement le bouchon du rouge à lèvre, le fait tourner lentement à son extrémité pour en faire sortir le bâton rouge-rose parfaitement lisse et parfumé, et l'applique doucement et méticuleusement sur sa bouche en cœur. Puis elle presse ses lèvres l'une contre l'autre, tapote son index bagué sur sa bouche, se sourit à elle même, jauge la douceur de sa bouche, évalue la couleur, et satisfaite ferme rapidement son rouge à lèvres, le range dans sa trousse, qu'elle jette dans son sac que je tiens toujours.
Tous ses gestes me captivent. Puis elle évalue son haut. Un débardeur noir simple, mais parfaitement coupé, laissant deviner ses deux mignonnes protubérances rondes et fermes. La texture de son tee shirt semble douce et onctueuse. Comme sa peau caramel que les nombreux bijoux argentés mettent en valeur. Puis elle finit par évaluer sa petite veste en cuir, façon perfecto, dont elle a remonté les manches à ses coudes. Une vraie poupée.
–                    Mais oui, mais oui, vous êtes sublime, lui dit un passant en costume.
Il lui sourit. Elle lui sourit. Il lui sourit davantage. Elle se retourne vers la vitrine, indifférente. Un peu déçu, il s'en va.
–                    Il aurait bien voulu vous parler davantage je pense.
–                    M'en fous. Dit-elle en haussant les épaules, bon on va chez Dior d'abord.
–                    Oui, mademoiselle.
Je la suis, guidée par son délicieux parfum.
–                    Bonjour, lui dit chaleureusement une vendeuse.
Elle lui répondit par un bref sourire.
La vendeuse, vexée, mais habituée au dédain des clients ne dit rien et me salue d'un sourire froid.
–                    Bonjour, lui dis je courtoisement.
Ma princesse toise avec arrogance la majorité des articles du magasin.
–                    J'aime pas, ça j'aime pas. Ça non plus. Dit-elle à haute voix.
La vendeuse, décidée à ne pas perdre de client, s'approche d'elle.
–                    Je peux vous aider, mademoiselle ?
Ma princesse la toise.
–                    Non.
J'ai pitié de de la vendeuse. Mais l'arrogance de ma princesse m'excite.
Soudain ma princesse s’arrête devant un sac en cuir rose pale orné d'un pendentif « D.R » doré.
–                    Achète moi ça, m'ordonne t-elle.
–                    Puis je savoir le prix mademoiselle ? Je demande.
Elle s'approche de moi en souriant et m'écrase discrètement le pied à l'aide de son talon de 12 cm.
Des larmes me montent aux yeux. Mon dieu, elle va me perforer le pied.
–                    C'est vulgaire de demander le prix, me murmure t-elle, son beau visage si proche du mien, que je sens ces sublimes et immenses cils effleurer mon visage. Si j'ai envie de te dire le prix, je te le dis. Sinon, tu ne demandes pas. Sous merde.
–                    Bien maîtresse, dis je difficilement tant j'ai mal.
Elle retire son pied.
–                    Vous, dit-elle à la vendeuse.
–                    Oui, mademoiselle ?
–                    Je veux ce sac. Dit ma princesse en lui désignant du menton.
–                    Bien.
La vendeuse l'amène au comptoir. Je la suis. Sors automatiquement ma carte, tapote mon code.
Voilà, le sac est acheté. Étrangement, le fait de ne pas savoir combien j'ai mis pour le sac me durcit. Je dois être fou.
Sans dire au revoir, ma princesse s'en va, je prends le sac et je la suis.
–                    Le sac a coûté 1200e, me dit-elle satisfaite.
1200e pour un aussi petit sac ?! Je durcis davantage.
–                    On va à Vuitton maintenant, c'est pas loin.
–                    Vous avez été rude avec cette vendeuse, princesse. Dis je en espérant qu'elle m'humilie pour ma remarque déplacée.
–                    Elle le méritait. Ces vauriens qui travaillent dans les magasins de luxe se sentent au dessus de tout le monde. Il fallait que je la remette à sa place. J'aurais été plus courtoise avec des vendeurs d'un magasin lambda, par exemple. Mais ces fils de rien des magasins de luxe se sentent frais parce qu'ils travaillent chez Dior ou Saint Laurent. Que tu sois vendeur à Prada ou à Carrefour. Tu restes un vendeur. Ils doivent pas l'oublier.
–                    Vous avez raison, dis je excité par sa vision des choses mais déçu de ne pas avoir été frappé.
Soudainement, une douleur vive et intense se propage dans mon ventre. J'ai le souffle coupé. Elle vient de me donner un puissant coup de coude dans le ventre.
–                    ça c'est pour avoir dit que j'étais rude fils de pute. Et évite de marcher à coté de moi, je t'ai déjà dit que tu me faisais honte, crane chauve.
J'ai une érection.
Je laisse donc une distance de 10 mètres en nous. Toujours guidé par son parfum. Je la vois de loin, j'apprécie le spectacle. Les hommes la regardent. Les femmes aussi. Elle marche comme une reine. La tête haute, fière, belle.  Je suis fier de lui appartenir.  De l'entretenir. De lui acheter ses choses, comme elle dit. Elle suinte le luxe. Elle porte plusieurs milliers d'euros sur elle, en partie grâce à moi. Cette idée m'excite atrocement. Ses cheveux virevoltent sur ses épaules. Son parfum embaume l'avenue Montaigne. Je pourrai passer ma vie à la regarder.
Elle entre chez Vuitton.
Je la suis.
–                    Bonjour, lui dit une vendeuse.

–                    Bonjour, répond ma princesse sans sourire.

–                    Je peux vous aider ? Me demande la vendeuse en souriant.

–                    Heu eh bien, je suis avec elle en fait, dis je en désignant ma princesse.

–                    Ah, peut être voulez vous lui faire un cadeau ?

–                    Heu oui, je vo..

–                    Non merci, dit ma princesse qui arrivait vers nous en souriant, vous savez comment sont les hommes, dit-elle à la vendeuse, ils n'ont pas de goût, ils ne choisissent que des trucs moches.

–                    Je suis bien d'accord avec vous, répond la vendeuse en gloussant.