– Oh non je déteste cette station de vieux, mets plutôt NRJ, papa ! C'est 100.3 ! m'ordonna impatiemment Audrey.
– Ok ok, ça va. Dis-je en m'exécutant.
Une musique aux sonorités familières retentit.
– Encore une reprise de Goldman ! Ils en sortent une tous les mois, ça devient ridicule. Y'a plus d'artistes de nos jours, ils ont tellement plus d'inspiration qu'ils passent leur temps à plagier les anciens, les vrais. Triste époque pour la musique !
Audrey me toisa.
– Moi j'adore Amel Bent, elle chante trop bien et Soprano est trop cool, dit elle en bougeant sa tête en rythme.
Je ne répondis rien et me concentrai sur la route. Elle pouvait m'imposer dans ma voiture toutes les musiques merdiques du monde, pourvu que ça la fasse se sentir bien. Le mois dernier, nous avons déménagé en banlieue parisienne, à cause de mon boulot. Comme tout parisien, l'idée de bouger en banlieue m'a refroidi mais j'ai réussi à nous trouver une jolie maison dans un tout aussi joli quartier, avec une piscine également jolie, hors sol en bois, 5 mètres sur 6. Ma femme et moi nous y plaisons plutôt bien, mais pour ma fille ça a été le choc. Comme ça c'est fait aux environs de Janvier, je n'ai pas pu l'inscrire dans le lycée prévu, et j'ai du la mettre dans le lycée de la ville, un lycée classé ZEP... Bien sur, j'ai les nerfs, à 4 mois du Bac, ça nous fout mal. Enfin bref, c'est que 4 mois, et puis c'est fini. J'ai eu beau lui répéter ça, elle n'a rien voulu savoir. Elle a passé 1 semaine enfermée dans sa chambre à sangloter.
Mais depuis qu'elle a commencé à suivre les cours dans son nouveau lycée, bizarrement ça va mieux. Elle a même réussi à intégrer l'équipe de basket du lycée. Alors qu'entre nous, elle joue comme un pied... M'enfin si ça la rend heureuse, et si ça lui permet de se faire des amis, ça me va aussi. J'avoue être étonné qu'elle ait réussi à s'adapter à ces nouveaux camarades. Elle fait même partie d'une bande maintenant, dont la chef a un prénom de boisson, Coca ou Orangina, quelque chose dans le genre. J'ai pas osé lui demandé si c'était un surnom. Ce qui importe c'est que ma fille ait réussi à se fondre dans la masse. Dans ce genre d'endroits, vaut mieux. C'est un caméléon, elle tient de moi. Mais j'avoue que malgré tout ça, ça me fait quand même chier de l'emmener à un match de basket où je sais pertinemment qu'elle va se ridiculiser. Elle est comme sa mère, ; gauche. Pas faite pour le sport. Elle a l'esprit d'équipe, ça je dis pas. Mais ça suffit pas, on est d'accord. Ça fait 2 semaines que je travaille comme un fou, sans pause, et le seul jour où je peux me reposer, faut que je l'emmène faire du basket. Merde, si je suis pas un bon père, je me demande ce qui je suis.
– Pourquoi tu fais cette tête ? Me demanda t-elle.
– Quelle tête ?
– Oh arrête, depuis que maman a dit que tu devais m'emmener au match parce qu'elle travaillait toute la journée, tu fais la tête.
– Mais pas du tout...
– J'ai l'air d’être une débile ? … Si on était resté à Paris, je t'aurais jamais demandé de m'emmener à un match de basket, parce que si on y était, je ne serai même pas dans un club de basket, étant donné qu'il n'y en avait pas dans mon lycée, et d'ailleurs à l'heure qu'il est, je serai dans ma chambre avec Mélanie et Anne-so' en train d'écouter de la musique.
– Avec des « si » on refait le monde, ma chérie. Le fait est qu'on est plus à Paris, mais dans le 94, point. Faut t'y faire.
– Bah je m'y fais, c'est bien pour ça que je me suis inscrite dans ce club. Tout ce que je dis, c'est que tu dois assumer tes choix professionnels. Si tu voulais pas m'emmener au basket, fallait pas déménager. C'est tout. Alors arrête de faire la gueule.
– Je fais pas la gueule. On est bientôt arrivée à ton gymnase, je vois des jeunes là bas.
Ma fille se redressa d'un coup.
– Ok, je veux que tu t’arrêtes maintenant. Allez s'il te plait papou.
– Pourquoi maintenant ? Je t'amène juste devant, t'auras pas à marcher, et tu t'économises pour le match, non ?
– Non, au contraire, faut que je commence à m'échauffer. Allez arrête toi, quoi.
– Mais pourquoi ?
Elle se mordit la lèvre inférieure, et rougit.
– Bah... Tu vas me foutre la honte.
Cette anodine phrase, que beaucoup de parents doivent entendre de la part de leurs adolescents, me fit plus de mal que je ne le pensais. Ma fille, ma petite Audrey, que j'ai toujours protégé, toujours encouragé, toujours câliné, avait honte de moi, son père, son créateur. Je fis comme si sa phrase était la chose la plus ridicule que j'entendis de ma vie, et haussai mon sourcil droit.
– Comment ça je vais te foutre la honte ?
Les rougeurs sur son visage se dissipèrent aussitôt et firent place à une mine exaspérée.
– Mais papa, c'est évident. Je sais pas, regarde comment t'es habillé, t'es juste... trop pas moderne, et puis ta façon de parler, c'est tellement.. vieux. Enfin tu fais vraiment daron, quoi. Sans vouloir te vexer.
– Pardon, je fais quoi ? Daron tu as dit ?
– Rien que le fait que tu saches pas ce que ça veut dire, veut tout dire...
– Écoute, je ne tolère pas que tu me parles sur ce ton. Je suis ton père tu n'as pas à avoir honte de moi, est ce que j'ai eu honte de toi quand Madame Pierret, ta maîtresse de maternelle, m'a dit que tu faisais souvent pipi au lit ? Non. Est ce que j'ai eu honte de toi, quand tu as glissé sur une pot de banane, chose qui n'arrive que dans les bandes dessinées, au salon de l'agriculture il y a 4 ans ? Non. Je t'ai consolé. Parce que c'est ce qu'on fait avec les membres de sa famille.
Malheureusement, mon discours n'eut pas l'air de l'émouvoir.
– Bah désolée, mais c'est ce que je ressens au fond de moi, même si tu dis que je devrais pas avoir honte de toi, désolée mais c'est le cas, j'ai honte de toi. Mais putain arrête toi, on va nous voir !
Plus qu'énervé par son attitude, je ne répondis pas et décidai de m’arrêter juste à coté des 3 jeunes filles qui dansaient devant le stade.
Je jetai rapidement un regard vers Audrey. Elle était livide.
– Putain c'est trop la honte, murmura t-elle en mettant son visage dans ses mains.
Ce qui me fit sourire intérieurement. Ça t'apprendra à avoir honte de ton vieux père, tiens.
À 10 mètres du stade, une des filles du petit groupe m'interpella :
– Hey ton GPS fonctionne pas ducon, les Champs c’était la première à droite !
Le petit groupe éclata de rire. Tout d'un coup, je pris conscience que ma petite vengeance allait peut être faire plus de mal à Audrey que je ne le pensais.
Qui veut lire la suite ?????
Oui la suite !!!! please ! je la sens bien celle ci :)
RépondreSupprimerAvec la plus grande impatience même!
RépondreSupprimer